ALIENS VS. PREDATOR – REQUIEM
Colin & Greg Strause
(2007)
L’annonce de la mise en chantier de Aliens
Vs. Predator – Requiem (ou
AvPR, c’est plus simple et plus
vendeur) n’a pas mis le
«oueb» en ébullition c’est le moins que l’on puisse
dire. Si les premiers visuels diffusés intriguaient, on ne
donnait pas cher de la peau de ce nouvel avatar du mercantilisme
Hollywoodien.
Une info suscita pourtant quelques timides attentes. À savoir :
le remplacement du fossoyeur Paul Anderson (il a quand même
à son tableau de chasse 3 franchises majeures : Resident Evil,
Alien et Predator
!) par un tandem de réalisateurs, les
frères Strause.
NÉCROMANCIENS
Deux frangins connus dans le milieu pour leurs effets spéciaux,
notamment sur X-Files le film et Terminator 3. Le fait qu’ils aient
d’ailleurs été balancés sur cette prod’ pour
illustrer le pitch de Shane Salerno, non crédité
en tant
que scénariste du nullissime Alien
versus Predator, ne laissait
présager rien d’autre qu’une débauche, aussi vaine que
puérile, d’effets en tous genres. En clair, le prototype
même du film que l’on attend avec la plus grande patience.
Malgré tout, les fans des franchises Alien
et Predator gardaient
le fol espoir de voir un film capable de les ressusciter après
l’enterrement de seconde zone de Paul Anderson. Plus
prosaïquement, relancer l’intérêt pour ces deux
monstres sublimes.
Le seul intérêt du film de 2004 est son plan final qui
voit le torse d’un Predator exploser pour laisser échapper un
hybride en puissance. Intérêt relancé suite
à la diffusion de photos de ce Predalien justement nommé,
au design séduisant. Mais c’est bien la note d’intention de Greg
et Colin Strause qui ranima la flamme. Simple, ils veulent faire
oublier la purge précédente (ok, pas dur), revenir
à un concept de base plus méchant et hargneux (yeah !)
tout en s’inspirant du Aliens de Jim Cameron
(oh putain !). Ça
n’est pas pour rien qu’ils ont rajouté un «s»
à Alien !
Ah ça, question discours promotionnel, ils s’y connaissent les
p’tits gars de la Fox. Mais au final cela reste souvent en
deçà des promesses entrevues. Malgré tout, on y
croit car leur volonté de renouer avec un glorieux passé
se traduit par un retour à des créatures plus
«gigeresques», retour également de Alec Gillis et
Tom Woodruff Jr à la conception des créatures et une
photographie signée Daniel Pearl. Surtout, les visuels
d’exploitation et la bande-annonce laissaient entrevoir une ambiance
sombre et des moments bien fun (ah, cet
égrènement d’une
population se faisant décimer…). Sans signer un chef-d’œuvre du
genre, les frères Strause permettent aux deux franchises de
sortir de l’ornière grâce à un film
énergique, parfois outrageusement référentiel et
plutôt joliment violent.
LA QUESTION HUMAINE
Contrairement à son prédécesseur, AVPR recentre
immédiatement le film sur les sujets principaux, à savoir
les deux prédateurs ultimes. L’être humain ne servant plus
que de faire-valoir. D’entrée, le tir est rectifié car ce
qui plombait le 1er AVP, outre le
script inepte, était sans
conteste la présence trop marquée des humains qui
parasitait complètement le spectacle. On voulait de la baston
homérique entre les deux races belligérantes et on
obtenait au final une exploration archéologique bavarde. AVPR reprend donc au moment
où surgit le Predalien. Croissance
express et décimage en règle du vaisseau des predators
ramenant sur leur planète quelques «face-huggers».
Les dommages causés par la bataille dévient le vaisseau
de sa trajectoire qui s’écrase sur Terre, plus
précisément dans la forêt jouxtant la bourgade
paumée de Gunnison, dans le Colorado. Les Aliens se font la
malle et le dernier des Predators n’a plus que la force d’envoyer un
message de détresse vers sa planète afin qu’un de leurs
plus grands guerriers rapplique en vitesse faire le grand
ménage. Quitte dans l’opération à tuer quelques
spécimens de la race humaine.
Pas de fioritures, le film va droit à l’essentiel. En 5 minutes,
les enjeux sont clairement exposés sans que l’on ait dû se
farcir 10 plombes de dialogues. En plus, nous avons droit à un
aperçu de la planète des Predators au look clairement
influencé par les nécromongueurs des Chroniques de
Riddick.
Autre réjouissance, le sort réservé aux humains
qui s’immisceront au combat est préfiguré par un chasseur
et son fils tombés sur l’épave du vaisseau et qui
finiront le torse explosé. Oui, oui, on voit également
celui du fiston de 10 ans laisser échapper un asticot aux dents
acérées.
Quant au flic tombant nez à nez avec le Predator chargé
du grand nettoyage, il finira dans un hommage au film de Mc Tiernan,
pendu par les pieds dans les arbres et complètement pelé.
Tandis que le Predalien rassemble des troupes en utilisant un vivier
à disposition, soit des clochards vivant dans les égouts,
que le Predator part en chasse, les humains vaquent à leurs
occupations typiquement américaines : flirt, réinsertion
et retour du soldat au bercail. Et oui, quand les extra-terrestres
vedettes sont mis en valeur, les humains se bornent à des
stéréotypes à peine esquissés. Une fois
encore, les Strause réaffirment leur
désintérêt total pour leurs
congénères. Identification et développement des
caractères sont inutiles puisqu’ils ne serviront que de chair
à canon pour des débordements gore réjouissants et
plutôt réussis. De toute façon, il n’y a qu’a voir
le casting, deux «vedettes» de séries
télé (dont Reiko Aylesworth en rupture de 24) et aucune
«gueule» pour jouer les seconds couteaux (mais où
est passé Lance Henriksen bordel ?).
Mais les frères Strause montrent qu’ils ont tout compris
à un concept aussi dégénéré en
limitant l’utilité de l’homme à servir d’appât ou
de matrice reproductrice. La scène où le Predalien
insémine les femmes enceintes d’un hôpital est aussi
choquante qu’imprévisible. Instantanément culte.
DES HOMMES SOUS INFLUENCES
Gros défaut, l’usage trop intensif de gros plans qui nuit
à l’action, devenant assez illisible par moments. Une
difficulté de lecture accentuée par la caméra
portée (mode qui a tout intérêt
à passer avant de devenir une constante de tout actioner
hollywoodien). De même le découpage laisse à
désirer, dénotant du manque d’expérience de ces
artisans des SFX en matière de réalisation.
Mais ne boudons pas notre plaisir, le film demeure inventif et
stylisé.
Utilisant à merveille les plans signatures des apparitions des
Aliens (révélation de leur présence dans le
décor par un reflet, leur mâchoire ou leur bave) et
iconisant à mort les attitudes du Predator, le film
ménage en plus quelques moments bien glauques et craspec. C’est
bien joli d’éviscérer un gamin mais montrer une femme
enceinte d’à peine quelques mois le ventre implosé,
fallait oser. Sans oublier la maternité de l’hôpital
transformée en véritable nid à Aliens.
Le film est clairement sous influences mais il parvient à
suffisamment s’en affranchir pour éviter le plagiat inepte. La
séquence dans les égouts où le Predator tente de
piéger les Aliens présents fait nettement penser à
une séquence du même type de Blade
II.
Mais c’est définitivement Aliens
de Cameron qui fait office de
mètre étalon. Hélas, AVPR
souffre
inévitablement de la comparaison. Là où le film de
Cameron se caractérisait par une tension croissante et une
ambiance oppressante et anxiogène, celui de Greg et Colin n’en
conserve que des passages désormais cultes. Quelques troufions
de la garde nationale exterminés hors-champ, une Ripley et Newt
– like (la sergente O’Brien et sa fille), visite de la nursery
alien...
Des références pourtant jamais trop prégnantes.
Les frangins conservent une attitude humble, citant un modèle
sans jamais tenter de le surpasser par une surenchère graphique.
Une relecture urbaine du chef-d’œuvre de Cameron qui aurait pu
être encore plus jouissive avec une mise en scène mieux
maîtrisée.
Dommage que le combat final finisse en queue de poisson, ou d’alien en
l’occurrence, laissant un goût d’inachevé.
UNANIMEMENT CONDAMNÉ
Malgré ses qualités, le film est victime d’un acharnement
tant critique que public pour le moins étonnant. Des scories
demeurent, on ne s’improvise pas metteur en scène même si
l'on est un geek doué pour confectionner des
effets-spéciaux, c’est évident. Au moins, le duo n’a pas
la prétention de surpasser les 4 Alien
et les 2 Predator. On
leur reproche également d’être trop fan des franchises en
question au point d’avoir abusé de références en
tous genres, les vidant de leur essence Elles servent plutôt bien
le film, au contexte, certes moins travaillé et à
l’intrigue plus linéaire. Le Predator est devenu un gros bourrin
voué à défoncer les portes plutôt
qu’à se fondre dans son environnement ? À partir du
moment où les Aliens envahissent la ville et que sa mission
consiste à effacer toute trace, plus besoin de faire dans la
dentelle.
De toute manière, ce n’est pas le propos du film. Le Predator
est là pour annihiler la menace Alien, point. Rien à
faire du reste. Manque d’ampleur, d’ambition ? D’accord, mais
l’intention de départ n’a jamais été de
révolutionner le genre. Caractérisation des humains
indigne ? On est là pour les stars du film.
Le sort des rescapés importe peu. Ils peuvent bien finir
empalés par la queue d’un alien ou l’arme du Predator, rien
n’empêchera la confrontation finale aussi photogénique (de
nuit et sous la pluie) que dantesque entre l’hybride et son
congénère. Une séquence en l’état
très bonne mais qui aurait eu plus d’impact encore grâce
à une plus grande utilisation de plans larges qui aurait permis
de mieux mettre en valeur les belligérants.
Les incohérences (l’ex taulard arrive à faire marcher une
arme extraterrestre ?!), les problèmes de rythme de la
1ère partie et les limites des réalisateurs
(échelles de plan à revoir) n’enlèvent rien au
plaisir primaire de voir Predator et Aliens se foutrent sur la gueule.
En conclusion, vous pouvez oublier le film de Paul Anderson (son seul
haut fait d’arme restera à jamais le flippant Event horizon).
Première bonne surprise de l’année 2008, Aliens vs.
Predator – Requiem est une bonne grosse série B qui
débourre, qui ne se prend pas la tête et qui ne se
contente pas d’illustrer un scénario bêtifiant. Jouissif,
fun et inventif à souhait, tiercé gagnant pour un film
dont on attendait pas tant.
Plutôt marrant de voir certains le descendrent un peu partout sur
le Net et dans la presse quand les mêmes se paluchent devant du
Michael Bay (Bad boys II ou Transformers) ou le remake de 2003 de
Massacre à la tronçonneuse…